Bourbonnais, que notre ami parlait aussi bien qu’eux, encore qu’il fût né dans le bas pays. Je n’y comprenais qu’un mot de temps en temps, et voyais bien qu’ils le traitaient de bonne amitié et lui demandaient ce qu’il faisait là et qui j’étais. Je le voyais désireux de les éloigner, et même il me dit, pour être entendu d’eux, qui comprenaient aussi langage de chrétien : — Allons, mon camarade, nous allons souhaiter le bonjour à ces amis et reprendre notre chemin.
Mais, au lieu de nous laisser à nos apprêts de départ, ils trouvèrent la place bonne pour se réchauffer et se reposer, et se mirent en devoir de déshabiller leurs mulets pour les laisser paître jusqu’au jour. — Je vas crier au loup pour les éloigner un moment, me dit tout bas Huriel. Ne bouge de là, ni elle non plus, je reviens. Toi, habille nos montures et nous partirons vite ; car de rester ici, c’est le pire que nous puissions faire.
Il fit comme il disait, et les muletiers coururent du côté où il criait. Par malheur, je manquai de patience et m’imaginai devoir profiter de cette confusion pour me sauver avec Brulette. Il m’était possible de la faire lever sans qu’on eût les yeux sur elle, jusque-là les manteaux qui la couvraient l’ayant fait prendre pour un amas de hardes et d’équipages. Elle m’observa bien qu’Huriel nous avait dit de l’attendre ; mais je me sentais pris de colère, de peur et de jalousie. Tout ce que j’avais ouï-dire de la communauté des muletiers me revenait en l’esprit ; j’avais des soupçons sur Huriel lui-même, si bien que je perdis la tête, et, voyant un fourré très-voisin, je pris ma cousine résolument par la main et l’y entraînai à la course.
Mais la lune était si claire, et les muletiers si près, que nous fûmes vus et qu’il s’éleva un cri : « Ohé ! Ohé ! une femme ! » Et tous ces coquins se mettant à notre poursuite, je vis qu’il n’y avait plus d’autre moyen que de s’y faire tuer. Alors, faisant tête