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voyé ma lettre, puisque je ne sais pas seulement où il est ?

Disant cela, Brulette, qui était auprès de la fenêtre et regardait par hasard au dehors, poussa un cri et devint toute blanche de peur. Je regardai aussi et vis Huriel tout encharbonné et noirci dans sa figure et ses habillements, comme je l’avais vu la première fois. Il venait vers nous, et les enfants se sauvaient de son passage en criant : « Le diable ! le diable ! » tandis que les chiens jappaient après lui.

Saisi de ce que m’avait raconté Brulette, et voulant lui épargner d’apprendre trop vite une mauvaise nouvelle, je courus au-devant du muletier, et ma première parole fut pour lui dire au hasard et dans un grand trouble :

— Est-ce donc qu’il est mort ?

— Qui ? Joseph ? répondit-il ; non, Dieu merci ! Mais vous savez donc qu’il est encore malade ?

— Est-il en danger ?

— Oui et non. Mais c’est devant Brulette que je te veux parler de lui. Est-ce là sa maison ? Conduis-moi auprès d’elle.

— Oui, oui, viens ! lui dis-je ; et, courant en avant, je dis à ma cousine de se tranquilliser et que les nouvelles n’étaient point si mauvaises qu’elle s’y attendait.

Elle appela vitement son grand-père qui chapusait dans la chambre voisine, et se mit en devoir de recevoir honnêtement le muletier ; mais, le voyant si différent de l’idée qu’elle en avait gardée, si mal connaissable dans sa couleur et son habillement, elle perdit contenance et en détourna ses yeux avec tristesse et confusion.

Huriel s’en aperçut bien, car il se prit à sourire, et, relevant ses rudes cheveux noirs, comme par hasard, mais de manière à montrer que le gage de Brulette était toujours à son oreille : — C’est bien moi, dit-il