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du soleil, sous les grands arbres, au bord de l’eau, et vous me faisiez des paniers de jonc pour m’amuser ; et, l’hiver, on s’amusait encore ; on se fourrait dans les fossés, sous les grands buissons ; il y avait encore des senelles rouges aux branches, et on jetait du pain aux petits oiseaux ébouriffés ; et vous cassiez la glace pour me faire voir que l’eau n’était point morte. Vous étiez toujours, oh ! mais toujours avec nous. Et ma marraine disait : « Ce garçon-là n’a pas son pareil pour la complaisance, la douceur et l’amitié. » Vous voyez bien que vous ne pouvez pas être devenu un bandit, et que, si vous avez fait du mal, des bonnes fortunes, comme vous dites, c’est sans le vouloir et sans le savoir. D’ailleurs, si c’est comme ça, faut vous en repentir bien vite, pour qu’on se dépêche de vous le pardonner. Eh bien, voilà que ça vous fait pleurer, ce que je vous dis ?

(Blanchon a mis sa figure dans ses mains ; il sanglote.)
JEANNE, sortant du cabaret doucement ; — bas, à Mariette.

Ton frère te demande. Va auprès de lui, ma fille.

MARIETTE, bas.

J’y vas. (Montrant Blanchon.) Mais lui, faut le consoler, marraine, Vois comme il a de la peine !

JEANNE.

Oui, oui, va. (Mariette sort en regardant Blanchon.)




Scène IV.


JEANNE, BLANCHON.
JEANNE lui met la main sur l’épaule.

Eh bien, vous sentez que vous êtes bien coupable, vous ?

BLANCHON.

Ah ! madame Jeanne, vous étiez là ?

JEANNE.

Vous pensez bien que je n’aurais pas laissé ma filleule avec vous, sans vous surveiller. (Railleuse.) Un homme à bonnes fortunes !