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des amitiés dignes de vous. Je suis un mauvais sujet, moi, un homme à bonnes fortunes, et vous ne devez point seulement me regarder, ça vous mettrait en danger.

MARIETTE.

En danger ! un homme à bonnes fortunes ! qu’est-ce que c’est donc que ça ?

BLANCHON.

C’est… un homme qui… un homme hardi… et menteur… que les jeunesses doivent le craindre, parce que… enfin, c’est un gueux et un païen qui se moque de tout et qui respecte rien du tout ; voilà ce que c’est !

MARIETTE.

C’est drôle ! vous n’avez point du tout l’air d’un homme comme ça !

BLANCHON.

L’air fait pas la chanson. Tel que vous me voyez, je suis un bandit.

MARIETTE.

Qu’est-ce que c’est que toutes ces histoires-là que vous me dites ? Je ne sais pas si j’ai oublié le langage du pays d’ici, ou si c’est une mode qui est venue de dire comme ça des choses embrouillées ; moi, je dis tout ce que je pense, et, ce que je pense, je peux le dire tout bonnement.

BLANCHON.

Et vous pensez ?…

MARIETTE.

Je pense que nous étions grands amis, il y a cinq ans. J’étais toute jeune et vous n’étiez pas vieux. Vous veniez encore aux champs avec nous, et ma marraine nous faisait asseoir de chaque côté d’elle pour nous raconter des belles histoires et nous apprendre des jolies chansons. Vous ne vous souvenez pas ?

BLANCHON, essuyant une larme.

Si, mamselle, je me souviens.

MARIETTE.

Ah ! vous vous souvenez, n’est-ce pas ? Dans l’été, on se cachait