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JEAN.

Quelle idée que t’as ? Faut la dire.

BLANCHON.

Eh bien, l’idée que la petite Mariette aurait peut-être souhaité d’être pas enfermée dans sa maison aujourd’hui comme si la cocadrille était lâchée dans le bourg. L’idée qu’elle peut se souvenir du temps passé et des arrangements qu’on avait faits dans nos enfances, et que, si t’avais pas été si mauvais sujet, et moi par contre, on danserait à c’t’heure bien en gaieté et en joie, sur la place du village, en causant d’accordailles, au lieu de se quitter sans parler de se revoir et pas contents les uns des autres !

JEAN.

Blanchon, t’as vu ma sœur… tu y as parlé !… Je t’avais pourtant défendu de penser à elle.

BLANCHON.

Oh ! de penser ! on peut pas défendre à un homme de penser.

JEAN.

Alors, tu prétends…

BLANCHON.

Je prétends penser…

JEAN.

Et comment que tu vas faire pour penser tout seul, toi qui es pas seulement capable d’être la copie des autres ?

BLANCHON.

Copie ! Toi aussi tu me traites de copie ! Tiens, vois-tu, si un autre homme que toi me disait ça… non ! faut que tu soyes ingrat comme un chat de gouttière, pour me reprocher de t’avoir aimé ! (Pleurant.) Si je t’avais pas aimé, il y a longtemps que t’aurais eu mon poing sur la figure pour m’avoir fait la peine que tu me fais.

JEAN.

Tâche de parler autrement, toi ! J’ai avec toi plus de patience qu’avec un autre, parce qu’au fond… mais faut pas trop me chauffer les oreilles, aujourd’hui surtout !