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BLANCHON.

Qu’à vous-même !

PIOTTON.

Voyons, qu’à vous-même ! permettez… qu’à vous-même !

JEAN.

Laissez-nous donc tranquilles, vous ! vous avez un moellon dans la cervelle !

PIOTTON.

Non, jeune homme, c’est un nuage, un simple nuage… et permettez mon raisonnement…

JEAN.

Tu nous ennuies, toi ! De quoi que tu te mêles ?

JEANNE.

S’il parle mal, il pense bien, et, si Gervaise avait compris ce que vous pensiez, vous, en parlant mieux que les autres…

GERVAISE.

Si bien, madame Jeanne… Je comprends que j’ai été dupe et que je n’étais pas aimée… Ce qu’il voulait, c’était de me rendre folle de lui comme tant d’autres, et de me quitter en me cherchant des torts pour se trouver des excuses. Eh bien, Jean, c’est lâche, ce que vous avez fait là ! car vous savez bien que je ne vous cherchais pas et que je ne demandais qu’à passer mon chemin sans faire attention à vous. Oh ! la belle gloire que vous avez gagnée de troubler le cœur et la raison d’une pauvre fille qui ne savait pas comment on se défend d’aimer ! Combien de pas et de paroles vous avez dépensés pour me faire croire ce que vous me reprochez à présent d’avoir cru ! Vous devez être grandement fier de vous, et c’est une chose bien vantable que de faire souffrir et pleurer un plus faible que soi ! Réjouissez-vous donc de ma peine. Moi, je n’ai qu’une consolation, c’est de n’avoir pas eu l’idée du mal et de n’en avoir fait ni à vous hi aux autres.

GERMINET.

Ces reproches-là, c’est des douceurs et des pardons cachés, Gervaise ! Allons, t’as pas compris encore où on voulait te mener ?