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que quand il veut bailler de la jalousie à des femmes honnêtes qui se défendent encore de lui, ou bien c’est quand il veut en finir avec des amours dont il est repu. Les affronteuses, il les aime pas, il laisse ça à ses imbéciles de camarades. Ce qui lui faut, à lui, c’est du fruit nouveau, et encore, il y met plus d’amour-propre que de libertinage. Car c’est pas non plus un vrai libertin ; c’est comme qui dirait un homme qui cherche une chose que personne a jamais pu trouver, et qu’il trouvera pas plus que les autres…

JEANNE.

Quelle chose, donc ?

GERMINET.

Une fille qui l’aime plus qu’elle-même et qui lui cède jamais ; celle-là, voyez-vous, il serait capable de lui céder. Mais la jeunesse, c’est si fragile, et l’amour, c’est si bête !

JEANNE.

Alors, pour le moment, il est coiffé d’une fille sage, et je ne risque pas de le trouver avec une coureuse à son bras ?

GERMINET.

Faut, croire, car il y a déjà un bout de temps qu’on le voit aller seul. Qui c’est-il ? qui c’est-il pas ? Je me suis bien taboulé pour le savoir… et je le sais pas encore, mais je le saurai ben ! Là-dessus… tenez ! le v’là, et vous pourrez y causer à votre aise : y a personne chez moi pour le moment et mon logis est à votre service… si ça vous convient.

JEANNE.

Merci, père Germinet… nous serons bien ici.

GERMINET, à part, absorbé.

Qui c’est-il ? qui c’est-il pas ? (Il sort.)




Scène IV.


JEAN, JEANNE.


JEAN, qui a couru vers la porte de Germinet, et qui va s’élancer vers l’enclos ; à part.

Ah ! malheur ! la cousine ! (Haut.) Vous ici, Jeanne ? En v’là une surprise ! Ah ! ma foi ! entre cousins, on s’embrasse.