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(Gervaise déchire les papiers sans les regarder et les jette aux pieds de Jean. Germinet, se frottant les mains, à part.) J’étais sûr de ça !

GERVAISE.

Jean, voilà votre cadeau ! Je ne vous en fais pas de reproche, vous me rendez service ! vous me sauvez, car me voilà délivrée du charme que vous m’aviez jeté, et je vous vois comme vous êtes. Vous êtes un fou d’orgueil et d’insolence, vous ne savez plus ce que vous dites ni ce que vous voulez, et on ne peut pas être offensée par celui qui ne se connaît plus lui-même.

GERMINET.

C’est bien, ma fille ! voilà ce que je souhaitais. Tu y donnes la leçon qu’il mérite… Et, à présent, tu vas, je pense, épouser l’autre sans regret.

BLANCHON, à part.

Diable !

JEAN.

Alors, Gervaise, c’est vous qui me refusez ?

GERVAISE.

Oui, Jean, comme vous voyez, je vous refuse.

JEAN.

Sans vous soucier du chagrin et de la colère que vous me donnez ?

GERVAISE.

Votre chagrin vient de l’amour-propre contrarié, c’est pas autre chose, allez ! Je vous défends d’essayer de me défendre, ce serait me faire tomber encore plus bas que je ne suis… Je saurai bien avec le temps regagner, sans vous, l’estime des braves gens. (Mariette a reparu à la porte de l’enclos.) Quant à vous, Blanchon, je vous remercie, mais je n’accepte pas. Je sais à qui vous étiez destiné, et je vois qui vous aimez ! J’en suis contente, vous avez réparé vos torts, nous serons amis. Et vous, Jeanne, vous êtes la plus douce et la meilleure des femmes ; vous m’avez parlé comme à votre fille, vous m’avez rendu le courage ; vous voyez que je ne