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JEAN.

Y a plus de Jean… y a plus qu’un imbécile qui s’est laissé braver et frapper par ses sujets, un roi des sots qui a été le plus sot de son royaume, qui s’est fait insulter par un enfant (Il montre Toinet), et berner par un vieux malin de père…

GERMINET.

Un père Lustucru, quoi ?

JEAN.

Oui, un père Lustucru qui lui a tiré de l’argent pour…

GERVAISE.

De l’argent ?

BLANCHON.

Quel argent ?

JEAN.

Oh ! j’y ai pas regret ! si Gervaise avait réclamé tout ce que j’ai pour n’aimer que moi, j’aurais donné jusqu’à mon dernier sou, et bien content, encore ! mais, quand c’est pour me trahir et me quitter… non ! ça ne sera pas, je vous dis ! Il n’y a plus ni gloire ni courage, ni respect de moi qui tienne ! c’est ma fin, c’est ma mort… qu’on me jette le drap sur la tête ! mais j’aurai l’amour de la Gervaise et personne d’autre que moi ne l’aura jamais ! Entendez-vous ça, Gervaise ! vous serez plus malheureuse que les pierres du chemin, car je serai plus tyran et plus jaloux qu’un coq de bataille. Mais je vous aime comme une bête sauvage, comme un fou, comme un démon ! chantez votre air de triomphe, me voilà maté ! c’est fait, c’est dit, c’est fini, je vous épouse ! (Il tombe assis en frappant des poings sur la table.)

BLANCHON.

À la bonne heure, Jean ! embrasse-moi ! (Jean le repousse.)

GERVAISE.

Mon père… il a parlé d’argent.

GERMINET, lui remettant les quittances.

V’là ce que c’est ; fais de ça ce que tu voudras, c’est à toi.