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quand l’occasion se présente, je sers mon jeune comte avec plaisir. Quant à vous, monsieur le fermier, vous n’avez jamais servi et ne servirez jamais personne que dans les limites de l’hospitalité.

Gaston sourit, et, quittant pour la première fois devant moi son accent rustique :

— Toutes ces différences-là, me dit-il, sont trop subtiles pour moi. Servir ceux qu’on aime est dans l’ordre des choses naturelles, et j’ai toujours servi ici mes parents adoptifs et leurs amis. À la campagne, le serviteur et le maître vivent en égaux, et la preuve, c’est que le valet de ferme épouse souvent la fille du fermier. Cela me fait penser à réparer un oubli, monsieur Charles, je ne vous ai pas demandé votre agrément pour épouser votre filleule, et, à la campagne, où l’on prend les choses au sérieux, un parrain est un second père.

— Oh ! mon cher enfant, m’écriai-je, l’opposition ne viendra pas de moi ; mais est-ce donc une chose décidée que ce mariage ? Vous l’avez annoncé à madame la comtesse, et pourtant le père Michelin, qui me consultait toujours autrefois, ne m’en a encore rien dit.

— Il vous en parlera certainement aujourd’hui ou demain, dès qu’il aura un instant pour respirer. Aujourd’hui, il a eu fort à faire pour se débarrasser d’un prétendant auquel il n’avait pas