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Madame de Flamarande était debout, tremblante, comme prête à s’élancer sur son fils aîné. Le regard respectueux mais profond qu’il jeta sur elle la fit rentrer en elle-même. Elle se laissa retomber sur son fauteuil en disant :

— Ah ! je suis bien contente de le voir ; je l’ai cru écrasé sous ce cercueil ! Quelle émotion affreuse !

— Madame la comtesse est trop bonne, répondit Espérance avec le parler auvergnat, d’autant plus qu’elle ne me connaît pas. Je suis venu malgré moi me présenter devant elle ; M. le comte l’a voulu. À présent, je m’en retourne à mon ouvrage, priant madame de m’excuser ; mon père a besoin de moi à la maison.

— Votre père ? dit la comtesse stupéfaite de tant d’empire sur soi-même.

— Le père Michelin, le fermier de madame la comtesse. Il n’a que des filles, c’est vrai ; mais il m’a élevé et il va me donner son nom avec la main de sa plus jeune, — si madame la comtesse, qui est notre maîtresse à tous, — et monsieur le comte, qui est notre maître et dont je vas devenir le fermier, veulent bien approuver la chose et m’agréer pour serviteur dans le château de Flamarande.

Ayant ainsi parlé, Espérance, sans attendre la réponse et saluant à la manière des paysans, se retira vivement et descendit l’escalier, où ses gros