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rire de son accident. Comme j’entrais, on me le présenta en me demandant si je le reconnaissais, et on me dit qu’il se souvenait de moi.

— Vous vous souvenez peut-être, lui dis-je pour l’éprouver, que vous ne m’aimiez pas et que vous ne répondiez pas à mes avances.

— Cela, dit-il, je n’en sais plus rien, et je vous en demande pardon. Ambroise m’a dit hier que vous étiez un homme très-bon ; je ne demande à présent qu’à vous aimer.

Et il me tendit la main avec une cordialité douce qui m’alla au cœur. Je me souvenais, moi, de l’avoir si tendrement chéri dans ses premières années !

Je l’examinais curieusement sans qu’il y prît garde, occupé qu’il était de rassurer Suzanne Michelin, qui, pour préparer le repas, n’avait pas assisté à la cérémonie et s’inquiétait beaucoup de l’accident arrivé à son fils adoptif. Je vis qu’elle l’aimait tendrement et qu’elle était fière de lui.

— Voyez, me dit-elle, comme un malheur peut arriver sans qu’on y songe ! Ne serait-ce pas dommage qu’un enfant si beau et si bon nous fût enlevé ? Pour moi, je le pleurerais comme si je l’avais mis au monde !

Malgré l’admiration de sa mère et de sa mère adoptive, Gaston n’était pas ce que l’on appelle beau. Il n’avait pas la taille élevée de M. de Salcède et les traits réguliers ni le teint éblouissant