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arrêté net par une servante qui, d’un air empressé, me demanda ce qu’il y avait pour mon service, et qui m’apprit qu’Ambroise couchait provisoirement dans le village. Il était parti, fallait-il l’aller chercher ? Je refusai, j’étais tranquille. Ce n’était pourtant pas la vérité, cette fille se trompait. Ambroise, comme je le sus le lendemain, ne voulait pas quitter le manoir. Il était allé dormir sur le fourrage des étables.

Je rentrai dans ma chambre, j’ouvris les fenêtres sans bruit et je prêtai l’oreille. J’entendis la servante monter un escalier de bois sonore qui conduisait aux chambres des combles. Tout le monde était couché, sauf Michelin et les deux amoureux, puisque Espérance ne redescendait pas ; mais toutes les fenêtres étaient fermées, et il me fut impossible de saisir un mot. Une lune brillante se levait dans les nuages tourmentés et jetait sur les cours une lueur intermittente. Les chiens étaient dans la montagne avec les troupeaux ; un seul, vieux, qui avait ses invalides, gardait encore la maison ; mais, quand un bruit inusité le réveillait, il grognait sourdement et n’avait plus la force d’aboyer. Je l’avais caressé pour qu’il ne gênât pas mes mouvements par sa méfiance ; il m’avait suivi et dormait à mes pieds sur une natte, nullement étonné de tant d’égards pour son grand âge et très-disposé à en profiter.

Il y avait une chose que je ne savais pas, c’est