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tance de lui, un jeune paysan agenouillé sur la tombe du berger Gaston, immobile, et la tête dans ses mains, comme plongé dans la douleur ou dans la méditation.

— Est-ce lui ? demandai-je tout bas à la baronne quand nous fûmes sur le seuil pour sortir.

— Qui, lui ? me répondit-elle de même.

— Gaston. Je ne l’ai pas vu depuis beaucoup d’années ; je ne le connais plus.

— Je n’ai remarqué que le prêtre, reprit-elle. Voyons donc !

Elle fit un pas pour regarder l’inconnu ; mais, au frôlement de sa robe, il se détourna tout à fait et s’effaça dans l’obscurité. La baronne sortit avec moi et me dit :

— Ce ne peut pas être Gaston, il est au Refuge.

— Le Refuge est bien près, madame la baronne, surtout par l’espélunque !

— Ah ! vous savez donc tout ? Mais il faut savoir encore ceci : comment et pourquoi Gaston viendrait-il prier ou méditer ?…

— Madame la baronne connaît-elle la légende du berger Gaston ?

— Parfaitement ; elle est trop liée à l’histoire actuelle des Flamarande pour que je l’ignore.

— Eh bien, le nouveau Gaston, qui, au contraire de l’ancien, survit à son père légal, vient peut-être lui dire dans le silence de la nuit et en face de l’autel : « Suis-je ton fils ? »