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M. de Flamarande était gravement malade ; l’hépathie avait fait soudainement d’effrayants progrès. Je le trouvai au lit, en proie à de vives douleurs. Sa figure décomposée était couleur de terre. Il avait tout d’un coup vieilli de vingt ans. Dès le premier coup d’œil, je le jugeai perdu.

Il voulut me parler tout de suite, et, malgré ses souffrances, il ordonna de me laisser seul avec lui.

— Le temps presse, me dit-il. Je sais que je suis condamné. N’écrivez pas à ma femme ; je ne puis la recevoir ici. Vous dites que mon fils est à Moscou ou à Odessa. Il n’arriverait pas à temps pour me voir. Il m’écrit peu et ne me marque pas un grand attachement. Moi, je regrette de ne pouvoir faire de lui le cas que j’aurais souhaité. Il y a une fatalité, Charles, j’ai voulu aimer exclusivement Roger, et je n’ai trouvé en lui rien de ce que j’eusse exigé. Je quitte la vie sans regret. Depuis quelques années, le spleen anglais s’est emparé de moi. Peut-être me serais-je brûlé la cervelle, si la maladie ne se fût chargée de me délivrer de l’existence. Avant de mourir, je tenais à vous voir. Vous venez à propos. Avez-vous toujours la déclaration relative à Gaston que vous m’avez fait signer ?

Je craignis qu’il ne voulût la confirmer. Il me paraissait prévenu contre Roger. J’eus peur pour mon cher enfant. Je répondis que, dans une course auprès de Ménouville, où mon cheval m’avait em-