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heur ; je t’ai dit la vérité, j’aimerais mieux mendier que de te voir encore à cause de moi comme je t’ai vu hier.

— Ah ! mon frère, c’est vouloir me punir bien cruellement d’une mauvaise heure dans ma vie ! Tu ne veux pas que je la répare ; tu me refuses la joie de reconquérir ton estime et la mienne !

— Tu n’as rien à réparer ; tu ne m’as pas offensé et tu as pleuré dans mes bras. Jamais je n’aurai de meilleur ami que toi, je t’aimerai autant que j’aime M. de Salcède, c’est tout dire ! S’il y a quelqu’un que je vous préférerai, ce sera… elle ! notre sainte mère que voici et qui a été le rêve enchanté de ma vie, l’éternelle aspiration de mon cœur, mon idéal, mon apparition céleste, ma pensée intérieure, ma muette prière, mon mystère et ma foi.

— Et tu ne veux pas, dit la comtesse, que je sois la compagne de ta vie, tu veux avoir une existence en dehors de la mienne, tu veux me refuser la seule gloire dont je puisse me parer, celle d’avoir deux fils comme vous deux !

— Tu ne veux pas, reprit Roger, que j’aie auprès de moi un conseil, un appui contre les dangers du monde, un guide à travers ses écueils ? N’as-tu point de devoirs envers nous ? veux-tu nous punir de n’avoir pu te sauver de l’exil que tu as subi ? Tu es vraiment cruel, et je suis tenté de te croire un peu fou !