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pide comme l’éclair et sans faire à moi aucune attention, avait franchi le rouleau de matelas et s’était élancé dans les bras du marquis. Mon cher monsieur de Salcède, ne répondez pas. Je ne vaux pas Gaston, je le sais bien, et laissez-moi me confesser moi-même à présent que je… — Oh ! maman ! ne m’en ôte pas le courage. Comme tu me regardes !… Tu crois ?…

— Comment es-tu ici, et que faisais-tu là ? lui dit la comtesse, dont je ne pouvais voir la physionomie, mais dont l’accent mêlait quelque reproche à la tendresse.

— Il arrivait de Léville, répondit vivement Salcède, dont l’âme droite comprenait tout, et dont la générosité n’eût jamais consenti à révéler les défaillances de Roger. Il aura su que vous étiez ici. Il est arrivé de grand matin, il n’a pas voulu vous éveiller, et il a espéré achever sa nuit sur le premier lit venu.

— Non, ce n’est pas cela ! reprit Roger ; je suis venu de Léville pour parler à maman de son bonheur et du mien, et je vais lui parler !… Il est bien vrai que j’étais las et que j’ai dormi là en attendant, dormi si serré que je n’ai pas entendu sortir Charles et que je ne vous ai pas entendus entrer. Je rêvais de toi, maman, et ta voix me berçait comme au temps où j’étais un bébé que ta prière du soir endormait délicieusement ; puis j’ai entendu tes paroles comme dans un rêve ;