Page:Sand - Les Deux Freres.djvu/232

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mon frère ou moi. J’ai pourtant promis de revenir. Il est si bon, lui ! C’est un ange ou un saint. J’ai pris la route de Léville ; mais, au moment de m’y présenter, j’ai senti que j’étais incapable d’y paraître calme et enjoué. Je me suis enfoncé dans des collines sans chemins, à travers bois, je me suis jeté par terre, et j’ai pleuré, rugi, juré, prié tout à la fois, je crois même que j’ai chanté. J’étais fou ! Enfin j’ai voulu revenir ici, et je me suis perdu pour ne me retrouver qu’à l’entrée de la nuit auprès de Léville. J’y ai dîné, et, me sentant très-las, j’allais me coucher quand M. de Salcède m’a fait demander et m’a emmené dans le parc, où il m’a fait lire, à la lueur de nos allumettes de poche, la pièce qui légitime moralement Gaston, déjà légitime par le fait légal. J’étais assez irrité contre lui, et je ne lui ai pas sauté au cou ; je lui ai demandé comment, cette pièce se trouvant entre ses mains, il ne l’avait pas produite plus tôt. J’ai appris alors qu’il ne l’avait que depuis quelques heures et qu’il la devait à ta confiance en lui. Pour l’éprouver, je lui ai demandé s’il voulait me la confier à son tour. Sans la moindre hésitation, il me l’a remise, et ce procédé m’a touché. Je l’ai remercié en lui disant que je voulais m’en servir moi-même dans l’intérêt de mon frère, et que je lui savais gré de ne pas douter de mon honneur. Là-dessus, nous nous sommes quittés. Je n’étais pas disposé à le questionner davantage. Je ne veux recevoir d’explication sur son