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seulement ni Roger, ni Ambroise, ni M. de Salcède, ne reparurent de la journée, mais la soirée s’écoula, et je comptai avec des angoisses inexprimables les froides heures de la nuit à la porte du manoir, attendant toujours en vain et rêvant les plus sinistres événements.

Gaston, après avoir vu sa mère et Charlotte, qui ne se doutaient de rien, s’était aussi remis en campagne, disant que M. de Salcède avait besoin de lui au Refuge pour un travail pressé. Ainsi, pendant qu’une partie des habitants et des hôtes de Flamarande dormait tranquille, l’autre moitié était secrètement en proie aux tortures et à l’épouvante. Moi, je croyais à un suicide. Cette idée avait trop tourmenté ma vie pour que je ne fusse pas porté à l’attribuer aux autres. Je me promettais bien de ne pas survivre à mon cher enfant ; mais je n’avais pas la consolation de me dire que ma mort plus que ma vie servirait à quelque chose pour lui et les siens. Enfin, au coup de minuit, j’entendis marcher, et, courant à la rencontre du marcheur, je reconnus M. de Salcède.

— J’ai vu Roger, me dit-il, et je lui ai tout expliqué. Il a été froid mais calme, résolu à faire son devoir. Il avait beaucoup erré au hasard dans la journée, puis il était allé dîner à Léville, où on l’a retenu pour la nuit. C’est seulement à huit heures du soir que, après avoir couru en vain tout le jour, je l’ai retrouvé là. Il m’a donné sa parole