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mauvais. Que pourrai-je réparer maintenant ? On croira encore en moi parce que Salcède est un cœur généreux ; mais je n’y croirai plus, moi, je me haïrai, je me ferai honte à moi-même. Ah ! pourquoi ne me suis-je pas précipité des falaises de Ménouville ? pourquoi ce dégoût de la vie que j’éprouvais alors ne m’a-t-il pas donné le courage d’en finir ?

Je fus pris en ce moment d’une rage de suicide, et il est fort probable que j’y aurais cédé sans un événement qui me fit comprendre qu’il est lâche de se supprimer quand on a un châtiment trop mérité à subir.

Comme j’étais arrivé au bord du torrent, le bruit de ses chutes m’avait empêché d’entendre le galop d’un cheval qui retentissait sur le sentier plus élevé que le lit de la Jordanne. Quand il fut presque au-dessus de moi, je le distinguai du clapotement de l’eau et je levai la tête. Il ne faisait pas encore jour, et je ne vis qu’une ombre noire qui passait sur ce chemin étroit et dangereux avec la rapidité de la foudre.

À l’instant même, je me représentai Roger fuyant Flamarande sous le coup du soupçon que j’avais mis en lui. J’essayai de remonter le ravin pour le joindre. C’était une tentative impossible en cet endroit, surtout dans l’obscurité. Je ne m’étais pas élevé de quelques mètres que j’entendis le galop du cheval déjà hors de portée. Je