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ici avec vous, il y a peu de jours. Je voulais détourner Roger d’avoir à les combattre. Je lui ai dit votre intention d’adopter Espérance, et là-dessus, sans aucune insinuation de ma part, je le jure, il est entré dans un véritable accès de rage. Il a menacé ma vie, il m’a jeté hors de chez lui, où il s’est enfermé et où, j’en suis sûr, il est encore en ce moment, dévoré par les furies.

Comme il me voyait très-affecté, M. de Salcède me gronda avec douceur.

— Je ne doute pas de la bonté de vos intentions, me dit-il, mais c’est en effet une grave imprudence que vous avez commise ! Du moment que Roger connaît son frère et veut le reconnaître, il ne devait plus être question de mon projet d’adoption, et ceci devait rester un secret entre nous.

— Pourtant, repris-je, ne fallait-il pas à tout prix arrêter la précipitation de Roger ?

— À tout prix ? non, d’autant plus que vous n’empêcherez rien. Si Roger, comme il est probable, parle demain à sa mère, elle se gardera bien de lui parler de moi, elle acceptera avec transport l’élan de son cœur.

— Il n’est que minuit, monsieur le marquis. En peu d’instants, nous pouvons être en présence de madame la comtesse. Je m’accuserai, je lui dirai ma faute, et vous, vous en trouverez le remède.

— Le remède ? il n’y en a pas.

— Comment, il n’y en a pas ?