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— Ah ! dit la comtesse vivement, vous croyez ?

— Oh ! ne vous y trompez pas, répliqua Salcède ; je crois, je suis sûr que ses réflexions le ramèneront à Charlotte.

— Et vous l’approuverez ?

— Oui, madame.

— C’est bien romanesque, monsieur de Salcède ; il est si jeune ! J’ai peur que vous ne soyez vous-même un père bien jeune pour mon fils.

Salcède se troubla un peu, mais se remit aussitôt.

— Non, dit-il, je ne suis pas jeune ! C’est parce que j’ai des cheveux blancs qui représentent des années, doublées pour moi par des épreuves exceptionnelles, que je sais le vrai et le faux de la vie. Le seul vrai, c’est l’amour et le devoir ; tout le reste n’est qu’illusion et convention. Le fils que j’adopte est assez riche pour se marier selon son cœur, et son cœur ne s’est pas trompé en choisissant Charlotte. Avant de dire oui, il vous faudra la voir et la connaître. Revenez sans femme de chambre et dites-lui de vous servir. Quelques jours vous suffiront pour la juger. C’est un idéal de candeur et de pureté. Quant à son intelligence, voulez-vous voir ses cahiers d’études ? Tenez, voici des extraits et des appréciations de ses lectures. Regardez ces fleurs dessinées et coloriées par elle. Quel sentiment exquis de la nature ! Et ces broderies d’ornement, quel goût ! C’est une coloriste ; elle a l’intuition de tout ce qui est beau et bon. Elle adore