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— Je ne peux pourtant pas quitter Flamarande sans savoir ce que M. de Salcède aura dit à Gaston pour l’engager à retarder ce mariage, auquel ni lui ni moi n’avons encore consenti. Avons-nous le droit, l’un ou l’autre, de laisser le comte, le véritable comte de Flamarande, épouser une petite villageoise sans savoir au moins ce qu’il fait et à quelle autre situation il pourrait prétendre ! Non, nous ne le pouvons pas, nous ne le devons pas ; vous-même, Charles,… aucun de ceux qui sont en possession du secret de sa naissance n’est libre devant Dieu et devant les hommes de l’abandonner ainsi aux hasards de l’existence. Pour moi, quoi qu’en dise M. de Salcède, et malgré la haute déférence que j’ai pour son avis, malgré la baronne et ma confiance en sa tendre amitié, je ne sais pas me résoudre à sacrifier Gaston et à le laisser tromper. S’il découvre la vérité, et il la découvrira, n’en doutez pas, je ne crois pas aux attentats qui réussissent, quels reproches n’aura-t-il pas lieu de m’adresser ! Ne pensera-t-il pas que je l’ai sacrifié à la crainte lâche d’être soupçonnée, quand mon âme, forte de son innocence et de son droit maternel, eût dû protester contre l’arrêt qui nous sépare ? Nous partons demain, on le veut ; mais je n’irai pas plus loin que Montesparre, et je reviendrai seule. Je compte sur vous pour me ramener ici, Charles. Je dois revenir, je le veux.

Elle montrait une énergie que je ne lui avais