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que, pendant qu’on se battrait, je pourrais entrer dans ton château et rester chez toi. Mais tes paysans ont eu trop de peur ; on en a tué, les autres se sont sauvés dans ta grande cour. Tes domestiques se sont bien défendus ; mais ils n’ont pas été les plus forts. J’étais cachée sous des planches, le long de ce mur de jardin, en dedans. Je voyais tout par une petite fente. Je t’ai vu entrer dans la cour, sur ton cheval ; j’ai vu un grand homme te renfermer ici. Je ne te reconnaissais pas tout de suite, à cause de tes beaux habits ; mais, quand tu as marché pour venir dans cette petite maison, j’ai reconnu ton pas, et je t’ai suivi.

— Et, à présent, qu’est-ce que nous allons faire ? Jouer à cache-cache, le mieux que nous pourrons, dans ce jardin, où, sans doute, on va venir fureter ?

— Qu’est-ce que tu veux qu’on vienne faire dans un jardin ? On sait bien qu’en hiver il n’y a pas de fruits à voler ! D’ailleurs, les maudits ont déjà bien trouvé à manger et à boire dans les grands bâtiments qui sont là-bas ; c’est la ferme, n’est-ce pas ? Je sais bien ce qu’ils font tout de suite quand ils entrent dans une maison qui n’est pas gardée. Je n’ai pas besoin de les voir, va ! Ils tuent les bêtes et ils mettent la broche ; ils défoncent les tonneaux ; ils enfoncent les armoires ; ils remplissent leurs poches, leurs sacs et leurs ventres. Dans une heure, ils seront tous fous, ils se disputeront et s’estropieront les uns les autres. Ah ! si ton sot domestique ne nous avait pas enfermés ici, il ne serait pas malaisé de nous en aller ! Mais sans doute que le mur de ce jardin a quelque trou par où l’on peut passer le corps ? Je suis toute petite et tu n’es pas gros. Quelquefois, en grimpant sur un arbre, on gagne le haut du mur. Est-ce que tu ne sais plus grimper et sauter, Mario ?