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de l’huisset, et les fenêtres garnies de leurs meurtrières percées en biais du côté de la basse-cour, pouvaient tenir assez longtemps. Par une habitude de luxe plutôt que de prudence, le manoir était toujours bien approvisionné de vivres et de munitions.

Ajoutons que fossés et murailles, toujours bien entretenus, fermaient le tout, même le jardin, et que, si Aristandre eût pris le temps de la réflexion, il eût emporté Mario hors de la basse-cour, dans le village, et non dans ce jardin, qui pouvait devenir pour lui une prison aussi bien qu’un refuge.

Mais on ne s’avise jamais de tout, et Aristandre ne pouvait pas supposer qu’en un tour de main on ne chassât pas l’ennemi de la place.

Le brave homme ne brillait pas par l’imagination ; ce fut un bonheur pour lui que de ne pas se laisser émouvoir par les figures fantastiques et véritablement effrayantes qui s’offraient à ses regards étonnés. Aussi crédule qu’un autre, il se consulta tout en courant, mais sans cesser de courir sus, et, quand il en eut assommé un ou deux, il se fit ce raisonnement philosophique, que c’était de la canaille et rien de plus.

Mario, collé à la grille du jardin et tout palpitant d’ardeur et d’émotion, l’eut bientôt perdu de vue.

La meule enflammée s’était écroulée ; on se battait dans l’obscurité ; l’enfant ne pouvait suivre que par l’audition des bruits confus les péripéties de l’action.

Il jugea que l’intervention du robuste et brave Aristandre rendait le courage aux défenseurs du manoir ; mais, après quelques instants d’incertitude qui lui parurent des siècles, il lui sembla que les assaillants gagnaient du terrain, que les cris et les piétinements reculaient jusqu’au pont dormant, et, dans un court moment