Page:Sand - Les Beaux Messieurs de Bois-Dore vol2.djvu/82

Cette page n’a pas encore été corrigée

— Entendez-vous, monsieur le comte ? s’écria Aristandre, qui avait porté son mort sur la berge du chemin, et qui était remonté à cheval pour rejoindre son jeune maître ; cela vient du château, et, pour sûr, il s’y passe quelque chose de drôle !

— Courons-y ! dit Mario en reprenant le galop. Si c’est une fête, elle mène grand bruit !

— Attendez ! attendez ! reprit le carrosseux en doublant le train pour arrêter le cheval de Mario : ce n’est pas là une fête ! Il n’y aurait pas de fête au château sans vous et sans M. le marquis. On se bat ! Entendez-vous comme on crie et comme on jure ? Et, tenez, voilà un autre mort ou un chrétien vilainement navré au pied de la muraille ! Allez-vous-en, monsieur ; cachez-vous, pour l’amour de Dieu ; je cours voir ce que c’est, et je reviens vous le dire.

— Tu te moques ! s’écria Mario en se dégageant ; me cacher lorsqu’on donne l’assaut au château de mon père ?… Et ma Lauriane ! courons la défendre !

Il s’élança sur le pont-levis, qui était baissé, circonstance étrange après la tombée de la nuit.

À la lueur d’une meule de paille allumée et flambante devant les bâtiments de la ferme, Mario vit confusément une scène incompréhensible.

Les vassaux du marquis luttaient corps à corps contre une nombreuse troupe d’êtres cornus, hérissés, reluisants, « en tout plus semblables à des diables qu’à des hommes. » Des coups de fusil ou de pistolet partaient de temps en temps, mais ce n’était pas un combat en règle ; c’était une mêlée à la suite de quelque brusque et fâcheuse surprise. On voyait se tordre et s’étreindre un instant des groupes furieux, qui disparaissaient tout