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Comme Mario, intrigué de toutes ces précautions, demandait à le suivre, il lui répondit qu’il allait souper chez Guillaume d’Ars, et qu’il reviendrait de bonne heure.

L’enfant monta son petit cheval en soupirant, car il pressentait quelque aventure, et, à force d’entendre parler les gentilshommes, le gentil paysan des Pyrénées était vite devenu gentilhomme lui-même, dans le sens romanesque et chevaleresque encore attribué à ce titre par le bon marquis.

On sait avec quelle merveilleuse facilité l’enfance se modifie et se transforme selon le milieu où elle se trouve transplantée. Mario rêvait déjà de beaux faits d’armes, de géants à pourfendre et de damoiselles captives à délivrer.

Il essaya d’insister à sa manière, en obéissant sans murmurer, mais en attachant sur le vieillard qui l’adorait ses beaux yeux tendres et persuasifs.

— Point, mon cher comte, lui répondit Bois-Doré, qui comprenait fort bien sa muette prière : je ne puis laisser seule, la nuit, en mon manoir, l’aimable fille qui m’est confiée. Songez qu’elle est votre sœur et votre dame, et que, lorsque je suis forcé de m’absenter, votre place est auprès d’elle, pour la servir, la distraire et la défendre au besoin.

Mario se rendit à cette flatteuse hyperbole, et piquant des deux, il reprit au galop la route de Briantes.

Aristandre le suivait, et devait retourner auprès du marquis aussitôt qu’il aurait ramené l’enfant au manoir.

Comme la veille, la soirée était assez douce pour la saison. Le ciel, tantôt nuageux, tantôt éclairci par des rafales tièdes, était fort sombre au moment où le jeune cavalier et son serviteur s’enfoncèrent dans le ravin et pénétrèrent sous les vieux arbres du hameau.