Page:Sand - Les Beaux Messieurs de Bois-Dore vol2.djvu/66

Cette page n’a pas encore été corrigée

à la vue d’un mort, si dur que l’on soit de son cœur.

» Il faut vous confesser aussi que le premier soin de ce pauvre Jean, que voilà, avait été de prendre ce qu’il y avait dans les poches de ce mort et dans la mallette du cheval qui l’avait apporté ici… Vous n’aviez rien dit ; nous pensions que cela nous revenait, et nous étions là à compter l’argent sur la table, afin de vous le rendre fidèlement, si vous veniez à le réclamer.

» Il y avait de l’or plein une assez grosse bourse, et Jean, buvant toujours, prenait plaisir à le regarder et à le manier. Que voulez-vous, monsieur ! de pauvres gens comme nous ! ça surprend de toucher à ça. Et nous nous faisions des idées sur la manière de placer cette fortune. Jean voulait acheter une vigne, et moi, je disais que mieux valait une ouche bien plantée en noyers de rapport ; et, moitié riant de nous voir si riches, moitié disputant sur le comportement que nous ferions de notre avoir, nous ne pensions plus au mort, quand le coucou sonna quatre heures du matin.

»

— À présent, que je dis à ce pauvre Jean, je n’ai plus peur, et, comme tu n’es pas bien adroit de ta jambe de bois, encore que tu bêches un peu de ton bon pied, je te veux aider à faire la fosse. Je n’ai jamais souhaité mal à aucune personne vivante ; mais, puisque ce monsieur est mort, je ne lui souhaite point de revivre. Il y a comme ça du monde qui, en s’en allant, profite bien à ceux qui restent.

» Je m’en dois accuser, mon cher monsieur, voilà toutes les prières que, ce mauvais Jean et moi, nous faisions pour ce trépassé.

» Si bien que, prenant la bêche, nous retournons tous les deux au jardin et levons le paillasson où nous avions