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— Hélas ! mon bon seigneur, dit la Caille-Bottée en s’agenouillant, pardonnez à ce pauvre estropié de corps et d’esprit, qui a peut-être un peu trop bu ce soir, et ne sait point s’expliquer comme il faut !

— Oui, pardonnez-moi, mon capitaine, ajouta l’invalide, attendri apparemment sur la situation de son propre cerveau, et en s’agenouillant aussi.

— Mes amis, vous m’avez trompé ! dit le marquis résolu à les confesser ; vous n’avez point enseveli vous-mêmes M. d’Alvimar ! Vous avez eu peur, ou scrupule, ou répugnance ; vous avez averti M. Poulain…

— Non, monsieur, non ! s’écria la Caille-Bottée avec énergie ; nous n’aurions jamais fait pareille chose sachant que M. Poulain est contre vous ! Puisque vous savez que nous ne vous avons pas obéi, vous devez savoir aussi qu’il n’y a pas de notre faute, et que le diable en personne s’en est mêlé.

— Racontez ce qui est arrivé, reprit le marquis ; je veux savoir si vous me direz la vérité.

La jardinière, persuadée que le marquis en savait plus qu’elle-même, raconta très-sincèrement ce qui suit :

«

— Quand vous fûtes parti, mon cher monsieur, notre premier soin fut de porter ce mort dans notre jardin, où nous le couvrîmes d’un grand paillasson ; car, de le faire entrer céans, je ne m’en souciais point et n’en voyais point l’utilité. Je confesse que j’en avait grand’peur, et que, pour tout autre que vous, mon bon monsieur, je n’eusse voulu recevoir pareille compagnie.

» Jean me traitait de sotte et riait, tout en avalant le reste de son pichet de vin, soi-disant pour se prémunir contre le frais de la nuit, mais peut-être bien pour se divertir l’esprit des idées tristes qui viennent toujours