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pressé s’y puisse réfugier. Cette ruine est proche d’une petite ferme qui est à vous, et, si vous donniez des ordres aux métayers, ils seraient prêts, à tout événement, à cacher et à nourrir mon pauvre fuyard. Me voulez-vous rendre ce bon office ?

— Marquis, répondit le vicomte, demandez-moi ma vie, si vous voulez : elle est à vous. À meilleures enseignes, mes biens, mes gens, mes maisons sont-ils à votre service. Laissez-moi pourtant réfléchir à la convenance du lieu que vous avez en vue, car c’est de mon vieux manoir de Brilbault qu’il est question.

— Justement !

— Eh bien, voyons, il est fort isolé dans les terres, et les chemins y sont détestables ; c’est bien. Il n’est sur le passage d’aucune ville ou bourgade ; c’est encore bien. Le lieu m’appartient, et la prévôté ne se permettrait point d’en violer le seuil. De plus, la masure passe pour être hantée par les plus turbulents et plaintifs esprits qu’il y ait, ce qui est cause qu’aucun paysan maraudeur n’est curieux d’y entrer, aucun passant de s’y arrêter. C’est de mieux en mieux. Allons, je vois que vous choisissez bien, et je veux, dès ce soir, m’y rendre avec vous pour donner au métayer les ordres nécessaires.

Bois-Doré ayant réfléchi de son côté, jugea qu’il ferait mieux d’y aller seul pour ne pas éveiller de soupçons.

— Vos métayers ne me sont point inconnus, dit-il. Ils ont été de ma clientèle autrefois pour… ce que vous savez !

— Oui, oui, méchant homme ! dit en riant le vicomte ; ils ont eu par vous le sel à bon compte ! Eh bien ; prenez ce chemin pour vous en retourner ; les eaux ne sont pas encore grandes, et vous pouvez passer sans risque. Vous direz, comme par occasion, à Jean Faraudet, le