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levant les épaules. Elle dépend de ton caprice, de ta haine ou de ta folie.

— Eh bien, fais-en l’épreuve ! reprit Pilar de plus en plus outrée, et, si tu ne crois pas à ma science, ne crains pas d’entendre ton arrêt. Demain, mon beau Mario, tu dormiras, couché sur le dos, au revers d’un fossé ; mais tu auras beau avoir les yeux tout béants, tu ne verras plus la lumière des étoiles.

— C’est qu’il y aura des nuages au ciel, répondit Mario sans se troubler.

— Non, le temps sera clair ; mais tu seras mort ! dit la sibylle en essuyant de ses cheveux son front baigné de sueur froide. Assez ! que l’on ne m’interroge plus ! je dirais des choses trop dures à tous ceux qui sont ici !

— Tu révoqueras tes paroles, méchante diablesse ! s’écria le jeune homme qui avait procuré à Mario cette agréable prédiction. Mes amis, ne la laissez pas sortir ! Ces détestables sorcières nous mènent à la mort par le trouble qu’elles mettent dans nos esprits. Elles sont cause que nous perdons, dans le danger, la confiance qui sauve. Forçons-la de ravaler ses paroles et d’avouer qu’elle les a dites par méchanceté.

Pilar, souple comme une vipère, s’était déjà glissée dehors à travers les tables. Quelques-uns coururent après elle. La Bellinde s’enfuyait par une autre porte.

— Laissez-les, dit Mario. Ce sont deux mauvaises bêtes dont je vous raconterai l’histoire dans un autre moment. Je n’ai aucun souci de la prédiction ; je suis payé pour savoir ce que vaut cette belle science !

On pressa Mario de questions.

— Demain, répondit-il, après la bataille, après ma prétendue mort ! En ce moment permettez-moi d’aller voir si mon père est bien gardé de ses gens ; car je sais