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sur le pont un à un, entrèrent tous dans le préau après leur maître, tandis que celui-ci montait l’escalier du manoir avec le châtelain.

Cette grosse escorte étonna Aristandre, lequel, chargé de la réception des valets et de l’ouverture des écuries, vint leur faire ses offres de service. Mais ils refusèrent de débrider et restèrent avec leurs chevaux partie autour d’un feu qu’on leur alluma dans le préau, partie sur le seuil même du logis.

Lorsque le marquis fut dans son salon avec l’inconnu, il vit un homme d’une trentaine d’années, assez mal mis et d’une taille médiocre. Le visage était très-ombragé par le chapeau rabattu en clabaud et les plumes mouillées qui lui pendaient de tous côtés. Peu à peu il entrevit cette figure sans la reconnaître, ou du moins sans pouvoir se rappeler où il l’avait rencontrée.

— Vous paraissez ne me point remémorer ? lui dit l’inconnu. Il est vrai que nous nous sommes vus il y a fort longtemps, et que, tous deux, nous avons beaucoup changé.

Le marquis se frappa naïvement le front, demandant pardon de son manque de mémoire.

— Je ne m’amuserai point à vous faire chercher, reprit le voyageur. On m’appelle Lenet. J’étais presque un adolescent, quand je vous vis à Paris, chez la marquise de Rambouillet, et peut-être même ne fîtes-vous point attention à un aussi petit personnage comme j’étais alors. Je ne suis encore que conseiller, en attendant mieux.

— Vous méritez d’être tout ce que vous pouvez souhaiter, répondit Bois-Doré gracieusement. Mais du diable, disait-il en lui-même, si j’ai souvenir du nom de Lenet, et si je sais à quel homme je parle, bien que son air me rappelle mille choses confuses.