Page:Sand - Les Beaux Messieurs de Bois-Dore vol2.djvu/209

Cette page n’a pas encore été corrigée

» La salle basse où nous étions, dans ce château délabré, n’avait qu’une cheminée, et, bien que le local fût vaste, nous étions à l’étroit dans l’espace où l’on pouvait se retrancher contre le froid qui tombait de la voûte effondrée.

» M. d’Alvimar n’avait pour lit que de la paille, et pour couverture que son manteau et celui de Sanche. Il était si épuisé par deux mois d’agonie, qu’il ressemblait à un spectre.

» Cependant, Sanche l’avait habillé de son mieux pour lui faire recevoir les derniers secours de la religion, et ce gentilhomme distingué et résigné, au milieu d’une horde de bohèmes, païens et infâmes, contristait le cœur et la vue.

» Ces mécréants, mécontents d’assister à une cérémonie chrétienne, hurlaient, juraient et vociféraient d’une façon dérisoire, pour ne point entendre les prières de la sainte Église, qui leur sont exécrables. Il paraît qu’il en a toujours été ainsi durant les derniers temps de là déplorable existence de M. d’Alvimar en ce lieu.

» Chaque nuit, Sanche essayait de profiter de leur sommeil pour réciter à son fils les prières que celui-ci réclamait ; mais, aussitôt que l’un des bohémiens s’en apercevait, tous, hommes, femmes et enfants, s’adonnaient au vacarme pour étouffer sa voix et ne laisser pénétrer dans leurs propres oreilles aucune des paroles saintes de nos rites.

» Ce fut donc au milieu de cette bacchanale effrayante, où Sanche, par son autorité (fondée sur ce qu’il avait quelque argent caché dont il leur faisait part peu à peu), venait quelquefois à bout de rétablir un instant de silence, que j’administrai le malheureux jeune homme.

» Il mourut réconcilié avec Dieu, je l’espère ; car il