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lorsqu’il s’agit de rentrer chez soi. En cet endroit, le fossé a quinze pieds de profondeur, et vous voyez que les talus ne permettraient pas aux nageurs d’aborder sans être foudroyés par le moucharabi. Savez-vous ce qu’il faut faire ? Regardez ! La grange est écroulée. Eh bien, elle a dû tomber dans le fossé et le combler en partie. C’est par là qu’il faut entrer. J’y vais avec mon monde. Restez ici comme si vous cherchiez des planches et des engins pour remplacer le pont levé, et ce, pour tromper l’ennemi, que vous empêcherez de fuir quand nous tomberons sur lui. Nous autres, mes amis, dit-il à ses gens, nous filerons sans bruit derrière le mur, dont l’ombre nous cachera, malgré le grand feu qui consume nos gerbes.

Le plan du marquis était fort sage, et ce qu’il prévoyait avait eu lieu. Le fossé était comblé en partie et le mur écroulé par la chute de la grange. Mais il fallait passer sur les décombres en feu et à travers des vagues de flamme et de fumée. Les chevaux, effrayés, reculèrent.

— À pied, mes amis, à pied ! cria le marquis en s’avançant au galop dans cet enfer.

Le seul Rosidor s’y jeta avec intrépidité, franchit tous les obstacles avec une adresse miraculeuse, et, sans s’inquiéter d’y griller sa belle crinière et les rubans dont elle était tressée, il porta vaillamment son maître au milieu de l’enceinte.

Le marquis ne risquait rien pour sa riche chevelure. Elle était restée sous les fagots, à l’auberge du Geault-Rouge.

Ses valets, déjà fort animés par le désir de retrouver et de délivrer ou de venger leurs familles, furent électrisés par le courage de leur maître, et plusieurs le suivirent