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Pendant que ces événements tragiques s’effaçaient de la mémoire de nos personnages, M. Poulain ne s’endormait pas dans son zèle.

On était au 18 ou 19 décembre, et l’abbé, le nez et les pieds froids, mais la tête échauffée par l’espoir d’un succès longtemps tiraillé, arrivait à Saint-Amand, jolie ville du Berry, située dans une fraîche vallée, entre deux rivières, et que dominait le gigantesque et merveilleux château de Montrond, résidence du prince de Condé.

L’abbé descendit de cheval au couvent des capucins, dont le vaste enclos, coupé en croix, s’abritait sous la protection du manoir princier. Il évita de voir le prieur, dont il redoutait l’obligeance et les bons offices ; il voulait faire sa besogne lui-même et son chemin tout seul.

Il se contenta d’accepter d’un des religieux, son parent, un frugal repas, secoua le givre dont il était couvert, et se présenta à un des guichets du château en montrant un laissez-passer en bonne forme.

« Grâce aux travaux de Sully et surtout aux embellissements de M. le Prince, » qui avait acheté cette résidence au ministre disgracié, « le château de Montrond, qui eut plus tard tant d’importance dans les événements de la Fronde, était devenu un lieu de délices, en même temps qu’une forteresse imprenable. Son enceinte avait plus d’une lieue de tour : elle comprenait de nombreuses constructions, un vaste et magnifique château à trois étages, une grosse tour ou donjon de cent vingt pieds de haut, dont les murs étaient crénelés, et qui se terminait par une plate-forme au sommet de laquelle on voyait une statue de Mercure[1]. »

« Quant aux fortifications, elles étoient en si grande

  1. Raynal, Histoire du Berry.