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mieux posé : il eût filouté en habit noir et vécu dans le monde, au lieu de courir les routes et de détrousser les passants.

Chaque siècle a son trafic, et, dans les guerres civiles du XVIe et du XVIIe siècle, le brigandage s’était organisé en industrie régulière et en calculs positifs.

Saccage aspirait à se débarrasser du Macabre. Il n’eût osé l’attaquer de front ; mais il faisait comme M. le Prince avec le roi de France. Il poussait son maître dans le danger, comptant qu’une arquebusade l’emporterait et lui ferait la place nette.

Dans cette prévision, il tâchait de plaire à la Proserpine, gardienne de la caisse et des bijoux, et la dame, tout en ménageant l’époux de rencontre, ne décourageait pas l’époux en herbe que les hasards de la guerre pouvaient lui rendre utile à un moment donné.

Ce système de coquetterie commençait à être visible pour Macabre, et il se sentait partagé entre le besoin de se laisser mener par le nez et celui d’administrer une solide correction à sa déesse.

Il eût voulu aussi, à chaque instant, casser les brocs sur la tête de son rival, et cependant il sentait combien l’activité et la constante lucidité de ce lieutenant lui étaient nécessaires, à lui qui ne pouvait se résigner à être sobre et à vivre sur le qui-vive.

Si bien que, fatigué de cette alternative de colères et de réconciliations qui se renouvelait à chaque repue, le capitaine prit le parti de noyer ses soucis dans le vin clairet des coteaux de La Châtre, et commença, après avoir beaucoup déraisonné, à éprouver l’invincible besoin de faire un somme, le nez sur son assiette, dans un reste de pâté.