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En sortant, Bois-Doré la vit parler bas à un de ses hommes.

— Nous sommes sauvés ! dit-il à Mario dans l’escalier. Elle ne m’a pas trahi, et elle vient de donner l’ordre de nous laisser sortir !

Et, dans sa candeur, le marquis se dirigeait avec Mario vers la porte de la cuisine ; mais il s’était bien trompé : la Proserpine avait, au contraire, renouvelé l’ordre du blocus.

Il fallait donc feindre encore et s’occuper de la confection de la fameuse omelette aux pistaches.

Une heure environ s’écoula sans apporter de changement à cette burlesque et tragique situation.

On faisait grand bruit dans la salle. Macabre criait, jurait et chantait. C’était tantôt de la gaieté brutale et tantôt de la colère.

Voici ce qui se passait :

Le lieutenant Saccage était un homme positif et net comme son nom. Il trouvait absurde que l’on se préparât à un coup de main qui exigeait une marche rapide et silencieuse, par un souper qu’il savait bien devoir dégénérer en orgie.

Macabre était un bandit adonné à tous les excès qui étaient le véritable but de ses courses. Il n’avait pas, comme son lieutenant, les qualités du spéculateur, et, si je ne craignais de profaner les mots, je dirais que, dans sa vie d’aventures, il portait une sorte d’ivresse qui en était la poésie sombre et brutale. Il était aussi bohémien que larron, mangeant tout et n’étant riche que par crises.

L’autre amassait froidement et plaçait à mesure. Il entendait les affaires, ne donnait rien au plaisir et s’amassait une fortune. De nos jours, il eût été un fripon