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LV


Tout allait bien.

Macabre et ses acolytes, vaincus par le fier regard et le fier silence du majestueux cuisinier, étaient charmés, d’ailleurs, de pouvoir faire honneur à ses plats, et peut-être n’eût-il pas été forcé de se montrer de nouveau ; mais une malheureuse distraction de sa part vint tout gâter.

La Proserpine laissa tomber l’éventail de plumes qu’elle portait à sa ceinture en compagnie d’une daguette et de deux pistolets ; et, par une fatale habitude de galanterie dont il ne s’était jamais départi, même envers sa gouvernante, le marquis se baissa pour ramasser l’objet, qu’il présenta avec émotion, s’apercevant trop tard de sa bévue.

Il y eut un moment de surprise et d’incertitude dans les yeux de la Proserpine, un moment long comme un siècle ; enfin, la dame s’écria en portant la main à ses pistolets :

— Je veux mourir de la grand’mort, si c’est là maître Pignoux !

— Quoi ? qu’est-ce à dire ? s’écria à son tour le Macabre. Arrive ici, vieux fricotier, et montre ton sale museau à la compagnie. Par la mort-diable ! s’il y a ici quelque supercherie et qu’un vil gâte-sauce ait usurpé les fonctions de maître-queux, je prétends faire de son cuir une écumoire.

Le marquis n’écouta pas les menaces du brigand ; il sentit que le moment de la crise était venu, et poussa Mario hors de la salle, en lui disant :