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Mario ne parut pas y entendre malice. Mais les enfants voient tout, et celui-ci ne fut pas la dupe d’Adamas ; seulement il n’y vit pas matière à raillerie. Son bon père ne pouvait rien faire de ridicule. Il s’imagina que ces artifices faisaient partie de la toilette de toutes les personnes de qualité.

Comme il était assez coquet lui-même, il lui prit donc une grande envie de s’arranger aussi la figure en gentilhomme ; il en fit la demande, et, comme il lui fut répondu simplement qu’à son âge on n’avait pas besoin de ces recherches, il ne crut pas à un refus positif. Si bien qu’un soir, étant un moment seul dans la chambre de son père adoptif et voyant les flacons épars sur la toilette, il se passa la fantaisie de se parfumer en blanc et en rose, comme il avait vu Adamas parfumer le marquis. Cela fait, il crut devoir foncer et élargir ses sourcils, et, se trouvant alors une mine martiale qui lui revenait fort, il ne put résister au désir de se dessiner deux jolis petits crocs noirs au-dessus des lèvres et une belle royale au-dessous.

Comme il n’était éclairé que d’une seule bougie oubliée sur la table, il usa largement de la couleur et n’en put estomper finement les contours.

Le souper sonnait ; il courut se mettre à table, fort satisfait de la mine de mauvais garçon qu’il avait, et tenant son sérieux le mieux du monde.

Le marquis n’y fit pas attention tout de suite ; mais Lauriane étant partie d’un grand éclat de rire, il leva les yeux et vit cette petite tête douce si singulièrement travestie qu’il ne put se tenir d’en rire aussi.

Cependant le bon marquis se sentit contrarié et même peiné au fond du cœur. Mario n’avait certes pas songé à le railler ; mais la manière large et voyante dont il