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On n’eut donc que le temps de repasser le pont, et on ne put le lever à cause des traînards qui arrivaient en beuglant et en demandant refuge pour eux et leurs bêtes. L’ennemi profita du désordre pour les joindre.

Alors le combat s’engagea sous la voûte de l’huis, où les gens du château, entourés d’enfants qui criaient et d’animaux stupides et immobiles ou blessés et furieux, furent immédiatement forcés de lâcher pied.

À peine furent-ils rentrés dans la basse-cour, que les paysans les abandonnèrent pour aller se jeter sur le pont dormant, et les braves gens, qui n’étaient pas plus d’une dizaine, furent entourés par les bandits et contraints de reculer jusqu’à l’huisset, au milieu d’une lutte héroïque.

Un des meilleurs, le fermier Charasson, y fut tué ; deux autres y furent blessés. Tous y eussent péri, car le terrible Sanche frappait avec une rage désespérée, sans la lâcheté de La Flèche et consorts, « qui se souciaient de pillerie et nullement de recevoir de mauvais coups. »

Réduits à sept, les braves domestiques durent rentrer dans le préau ; ce qui ne fut pas facile, à cause de l’encombrement qui y régnait. L’affaire fut si chaudement poussée par Sanche, qu’une grande partie des animaux resta dehors, ou, prise de vertige, se jeta dans la rivière.

Pendant cette lutte acharnée, mais si rapide, qu’elle avait à peine duré dix minutes, Lauriane et Mercédès s’étaient tenues d’abord tremblantes et muettes sur la plate-forme de l’huisset.

Quand elles virent leurs gens plier, saisies spontanément du courage que donne la peur aux faibles quand ils ne sont pas idiots, elles coururent aux fauconneaux,