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somme ne furent traitées comme ces misérables humains. Tu sais que notre Henri eût voulu en faire des calvinistes, ce qui les eût sauvés, en les faisant Français.

— Je me souviens fort bien, monsieur, que les catholiques du Midi n’en voulaient pas ouïr parler, et disaient qu’ils les massacreraient tous plutôt que d’aller à la messe avec ces diables. Les calvinistes n’étaient pas plus raisonnables, ce qui fit que, en attendant de pouvoir faire quelque chose pour ces malheureux, notre bon feu roi les laissa tranquilles dans les Pyrénées. Mais, depuis sa mort, la reine régente a voulu en débarrasser l’Espagne, et c’est alors qu’on les a jetés en mer, avec ou sans navire. Cependant, quelques-uns ont accepté de se faire baptiser chrétiens pour éviter ce mauvais sort, et la femme en question a pris ce bon parti, quoique je la soupçonne de ne pas jouer bien franc jeu.

— Qu’est-ce que cela te fait, Adamas ? Crois-tu que le grand auteur du soleil, de la lune et de la voie lactée…

— Plaît-il, monsieur ? dit Adamas, qui ne mordait pas beaucoup aux nouvelles connaissances de son maître et qui s’en inquiétait même un peu ; je n’entends pas voix lactée pour une parole française.

— Je te dirai cela une autre fois, répondit le marquis en bâillant, car il s’assoupissait devant le feu petillant dans l’âtre. Achève ton histoire.

— Eh bien, monsieur, reprit Adamas, cette femme morisque est restée jusqu’à l’an passé dans les montagnes des Pyrénées, où elle gardait des troupeaux chez de pauvres fermiers ; ce qui fait qu’elle a continué à parler son patois catalan, que l’on entend assez bien de l’autre côté des montagnes.