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Après quoi, le souper étant fini, il demanda la permission de se retirer.

Le marquis se leva aussitôt, fit signe à maître Jovelin de l’attendre, au page de prendre un flambeau, et voulut conduire lui-même son hôte à l’appartement qui lui était préparé ; après quoi, il revint se mettre à table, ôta son chapeau, ce qui, à cette époque, était signe que l’on se mettait à l’aise sans cérémonie, contrairement à l’usage établi plus tard ; se fit servir une sorte de punch qu’on appelait clairette, mélange de vin blanc, de miel, de musc, de safran et de girofle, et invita maître Jovelin à s’asseoir vis-à-vis de lui, à la place que d’Alvimar venait de quitter.

— Or çà, messire Clindor, dit le marquis en souriant avec bonhomie au jeune garçon, qu’il avait, suivant son usage, affublé d’un nom tiré de l’Astrée, vous pouvez aller souper avec la Bellinde. Dites-lui d’avoir soin de vous, et nous laissez. — Attendez, fit-il au moment où le page allait se retirer, voilà une manière de marcher dont je me suis promis, tout ce jourd’huy, de vous reprendre. J’ai remarqué, mon bel ami, que vous endossiez des façons que vous croyez peut-être militaires, mais qui ne sont que vilaines. N’oubliez donc pas que, si vous n’êtes noble, vous êtes en passe de le devenir, et qu’un gentil bourgeois au service d’un homme de qualité est sur le chemin d’acquérir un petit fief et d’en prendre le nom. Mais de quoi vous servira que je vous aide à décrasser votre naissance, si vous travaillez à encrasser vos manières ? Songez à faire le gentilhomme, monsieur, et non point le paysan. Or donc, ayez de l’aisance, évertuez-vous à poser les pieds tout entiers par terre en marchant, et non à entamer le pas par le talon, pour finir sur l’orteil ; ce qui fait ressembler votre allure et le bruit de vos