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d’une bonté si sympathique, que sa figure jaune en était tout éclairée, on se sentait comme obligé de l’aimer et même de le respecter.

Il était habillé comme un petit bourgeois, mais fort proprement, tout en drap gris-bleu, avec des bas de laine ; la casaque longue boutonnée, un grand col rabattu tout uni et coupé carrément sur la poitrine, les manches ouvertes à la manière flamande et un grand feutre sans plumes.

M. de Bois-Doré, après avoir demandé fort poliment comment il se portait et donné l’ordre de lui servir un verre de vin de Chypre qu’il refusa de la main, ne lui parla plus et s’occupa exclusivement de son hôte.

Ainsi le voulait la bienséance d’alors, un homme de qualité ne devant pas témoigner beaucoup d’égards à un inférieur, sous peine de faire injure à ses égaux.

Mais d’Alvimar remarqua très-bien que leurs yeux se rencontraient fréquemment et qu’ils échangeaient, à chaque parole prononcée par le marquis, un sourire de bonne intelligence, comme si celui-ci eût voulu associer cet inconnu à toutes ses pensées, soit pour obtenir son approbation, soit pour le distraire de quelque secrète souffrance.

Certes, dans tout cela il n’y avait pas de quoi alarmer M. Sciarra. Mais peut-être n’était-il pas très-bien avec sa conscience ; car cette belle et honnête physionomie, loin de lui être agréable, le jeta dans un grand trouble et dans de soudaines méfiances.

Pourtant le marquis ne dit pas un mot et ne fit pas la moindre question qui eussent rapport aux motifs de la fuite de l’Espagnol au fond du Berry. Il ne parla que de lui-même, et, en cela, il fit preuve de savoir-vivre, car M. d’Alvimar n’avait encore paru disposé à aucune confidence,