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grosses larmes, jurant avec sincérité qu’il n’avait de sa vie, cassé d’autre nez que celui de l’outrecuidé Filandre. Lauriane aussi protestait de l’innocence de son jeune ami.

— Je vous crois, mes enfants, je vous crois, dit le marquis, tout bouleversé des pleurs de Mario. Mais pourquoi ce chagrin, mon fils, puisque vous n’êtes point coupable ? Là ! voyons, ne pleurez plus ; je vous ai blâmé trop vite : ne m’en punissez point par vos larmes.

On s’embrassa avec effusion, mais on s’étonna de ce massacre de nez, et Lauriane observa au marquis que quelque méchante et sournoise personne avait dû le faire à dessein d’en rendre Mario coupable à ses yeux.

— Cela est certain, répondit le marquis tout pensif. L’action est des plus noires, et j’en voudrais bien tenir l’auteur pour le condamner à perdre son propre nez ! Je lui en ferais la peur, sur ma parole !

Cependant on essaya encore de ne voir là qu’un enfantillage, et les soupçons tombèrent sur le plus jeune commensal du manoir après Mario. Mais Clindor montra une si vertueuse indignation, que le marquis dut le consoler aussi.

Le jour suivant, il manqua encore deux ou trois nez, et Adamas, indigné, fit monter la garde jour et nuit dans les jardins.

Le dommage cessa, et le bon Lucilio, touché du souci de Bois-Doré, composa une pâte italienne au moyen de laquelle il récolla patiemment et proprement tous ces nez.

Mais qui pouvait être l’auteur du crime ? Adamas le soupçonnait ; mais le marquis, se refusant à croire que quelqu’un de sa maison fût capable d’une pareille infamie, la rejetait sur quelque suppôt de M. Poulain.