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absence à M. de Condé ? Et croyez qu’ils n’y manqueront point, que le château de la Motte-Seuilly sera exposé à quelque occupation au nom du roi, exécutée, comme il arriva toujours, par de mauvaises gens ; votre fille en danger de recevoir quelque insulte…

— Je ne crains point cela, dit de Beuvre. Je serai censé à Orléans, où l’on sait que j’ai un procès. Je me dirigerai de là, sans bruit, vers la Guyenne, où je prendrai quelque vieux nom de guerre, comme c’est l’usage, pour couvrir mes biens et ma famille en mon absence ; je serai le capitaine Chandelle, ou le capitaine La Paille, ou le capitaine… n’importe quoi.

— Tout cela se fait, je le sais, reprit Bois-Doré, mais ne réussit point toujours : je vous promets de défendre votre manoir autant qu’il dépendra de moi et de mon monde ; mais, si je ne craignais de vous proposer une chose inconvenante, je vous offrirais de prendre en mon logis votre Lauriane pendant cette absence.

— Offrez, offrez, mon voisin ; car j’accepte et ne vois point où serait l’inconvenance. Il n’y a inconvenance pour une femme que là où il y a danger pour sa vertu ou pour sa renommée, et je ne vois nullement qu’entre vous qui seriez son grand-père, votre petit qui n’est qu’un écolier, votre philosophe à qui la langue ne saurait repousser, et votre page qui a la mine d’un singe, ma fille risque de perdre son cœur ou sa raison. Donc je vous l’amène dès demain et vous la laisse jusqu’à mon retour, certain qu’elle sera heureuse et en sûreté chez vous, et que vous serez pour elle, comme pour moi, le meilleur des amis et des voisins.

— Vous y pouvez compter, répondit Bois-Doré. J’irai la chercher moi-même. Ma carroche est assez grande ; elle y pourra mettre ses effets les plus précieux, sans