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On se sépara des conviés, et le calme se fit au manoir de Briantes.

Le marquis se mit alors à songer sérieusement à l’éducation de son fils. Mais, s’il eût été livré à lui-même, au milieu des préoccupations d’habillement qui prenaient tant de place dans sa vie, son héritier eût fort bien pu oublier ce que l’abbé Anjorrant lui avait appris, pour n’acquérir que des notions ès-sciences de tailleur, de bottier, d’armurier et de tapissier. Heureusement Lucilio était là, et il sut arracher chaque jour quelques heures à ces frivoles influences.

Lui aussi, ce tendre cœur, il se mit à chérir ardemment l’enfant de son ami, et non-seulement à cause de l’ami, mais aussi à cause de l’enfant lui-même, qui, par sa tendre docilité et la clarté de son intelligence, rendait attrayante la tâche, d’ordinaire si fâcheuse et si maussade, de l’instituteur.

Cette tâche de Lucilio n’était cependant pas facile. Il sentait qu’il avait charge d’âme, et précisément celle d’une âme infiniment précieuse et pure. Il voulait, avant tout, faire à cette jeune conscience une forteresse de croyances et de convictions contre les orages de l’avenir. On vivait dans un temps si troublé !

Certes on ne manquait ni de lumières acquises ni d’excellentes notions de progrès. C’était l’époque des nouveautés, disait-on : nouveautés détestables selon les uns, providentielles selon les autres. La discussion était partout et chez tous, et alors comme aujourd’hui, comme hier, comme toujours, le vulgaire des intelligences croyait tenir des vérités infaillibles.

Mais le monde de l’intelligence avait perdu son unité. Les esprits calmes et désintéressés cherchaient désormais la justice, tantôt dans un camp, tantôt dans l’autre ; et,