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que la chronique ne nous l’ait point conservée ; elle eut le sort des choses d’inspiration : elle s’envola avec le souffle qui l’avait fait naître.

Quoi qu’il en soit, elle produisit un grand effet. Le récit de la mort tragique du pauvre M. Florimond fit verser des larmes ; et, comme Adamas avait le pleur facile et s’attendrissait naïvement pour son propre compte, il fut écouté religieusement, même des fenêtres du salon.

On ne s’égaya qu’aux transports de joie pathétique avec lesquels il proclama la recouvrance de Mario ; mais l’auditoire rustique n’y trouva rien de trop.

Le paysan comprend le geste et non les mots, qu’il ne se donne pas la peine d’entendre ; ce serait un travail, et le travail de l’esprit lui semble une chose contre nature. Il écoute avec les yeux.

On fut donc enchanté de la péroraison, et des connaisseurs déclarèrent que M. Adamas prêchait beaucoup mieux que le recteur de la paroisse.

Le discours terminé, le marquis descendit avec son héritier et sa compagnie, et Mario charma et conquit aussi les paysans par ses manières accortes et son doux parler.

Chargé par son père à inviter tout le bourg à un grand festin pour le dimanche suivant, il le fit naturellement en des termes d’une si parfaite égalité, que Guillaume et ses amis, et même le républicain M. de Beuvre, eurent besoin de se rappeler que l’enfant sortait lui-même de la bergerie, pour n’en être pas un peu choqués.

Le marquis, s’apercevant de leur blâme, se demanda s’il ne devait pas rappeler Mario, qui s’en allait de groupe en groupe, se laissant embrasser et rendant les caresses avec effusion.