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son mort, plus vous serez assuré de son silence.

Il était onze heures du soir quand le marquis rentra dans son salon.

Jovelin accourut se jeter dans ses bras. Sa figure expressive disait assez quelles angoisses d’inquiétude il avait éprouvées.

— Mon grand ami, lui dit Bois-Doré, je vous avais trompé ; mais réjouissez-vous, cet homme n’est plus ; et je rentre chez moi le cœur léger. Mon enfant dort sans doute à cette heure ; ne l’éveillons pas. Je vais vous conter…

— L’enfant ne dort pas, répondit le muet avec son crayon. Il a deviné mes craintes : il pleure, il prie et s’agite dans son lit.

— Allons rassurer ce pauvre cœur ! s’écria Bois-Doré ; mais d’abord, mon ami, regardez si je n’ai point sur mes habits quelque souillure de ce traître sang. Je ne veux pas que cet enfant connaisse la peur ou la haine, dans l’âge où l’on n’a point encore le calme de la force.

Lucilio débarrassa le marquis de son manteau, de son casque et de ses armes, et, lorsqu’ils eurent monté un étage, ils trouvèrent Mario, pieds nus, sur la porte de la chambre.

— Ah ! s’écria l’enfant en s’attachant passionnément aux grandes jambes de son oncle, et en lui parlant avec cette familiarité qu’il ne savait pas encore contraire aux usages de la noblesse, te voilà revenu ? Tu n’as pas de mal, mon ami chéri ? Dis, on ne t’a pas fait de mal ? Je croyais que ce méchant voudrait te tuer, et je voulais qu’on me laissât courir après toi ! J’ai eu bien du chagrin, va ! Une autre fois, quand tu iras te battre, il me faut emmener, puisque je suis ton neveu.