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Le combat se prolongeait sans résultat. Guillaume comptait sur la fatigue du marquis, ne croyant pas que d’Alvimar le frapperait à terre. D’Alvimar sentait que le marquis ne faiblissait pas ; il cherchait à l’irriter par des feintes, espérant qu’un mouvement d’impatience le ferait sortir de l’étonnante prudence de son jeu.

Tout à coup la lune fut voilée par un gros nuage, et Guillaume voulut intervenir pour suspendre la lutte ; il n’en eut pas le temps ; les deux adversaires venaient de rouler l’un sur l’autre.

Un troisième champion se précipita vers eux, au hasard de se faire embrocher : c’était Adamas, qui perdait la tête et qui, ne sachant où était l’avantage, se jetait sans armes, à corps perdu, dans la bataille. Guillaume le repoussa vivement et vit le marquis à genoux, sur le ventre de d’Alvimar.

— Grâce, mon cousin ! s’écria-t-il ; grâce pour celui qui vous eût épargné !

— Il est trop tard, mon cousin, répondit le marquis en se relevant. Justice est faite.

D’Alvimar était cloué en terre par la grande rapière du marquis : il avait cessé de vivre.

Adamas était évanoui.

Au cri de grâce, les valets de Bois-Doré étaient accourus.

Le marquis, essoufflé et brisé de fatigue, s’appuya contre le rocher. Mais il ne faiblit pas, et, la lune s’étant dégagée du nuage, il se remit sur ses jambes pour regarder et toucher le cadavre.

— Il est bien mort ! lui dit Guillaume d’un ton de reproche. Vous m’avez tué un ami, monsieur, et je ne saurais vous en faire mon compliment ; car vos soupçons ne pouvaient être qu’injustes.