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et le rejoignirent… Qu’est-ce, messire ? Avez-vous trop chaud en cette petite chambre ?

— Peut-être, messire, répondit d’Alvimar agité. Je trouve lourd à respirer l’air d’une maison où il semble que le nom d’Espagnol soit tenu en mépris comme vous faites.

— Nullement, monsieur. Remettez-vous… Je ne rends point votre nation fautive de l’abaissement de quelques-uns. Il y a partout des infâmes. Si je parle aigrement de ceux qui me ravirent un frère, vous me devez bien excuser.

D’Alvimar s’excusa à son tour de sa susceptibilité, et pria le marquis de ne pas interrompre son récit.

— Ce fut donc, reprit celui-ci, environ une lieue après la bourgade appelée Urdoz, que mon frère se trouva seul avec sa femme sur un mur de rochers, le long d’un précipice fort profond. Le chemin serpentait en une montée si rude, que le cheval renonça un moment, et mon frère, craignant qu’il ne reculât dans le ravin, sauta par terre et vitement descendit sa femme entre ses bras. Il faisait un grand chaud, et, pour qu’elle ne souffrît point du soleil, il lui montra devant eux un ombrage de sapins, où elle se rendit doucement pendant qu’il laissait souffler le cheval.

— Cette dame vit donc tuer son mari ?

— Non ! elle se trouvait avoir tourné un petit massif de la montagne lorsque l’événement arriva. Dieu voulut sauver l’enfant qu’elle portait ; car, si les assassins l’eussent vue, ils ne lui eussent point fait de grâce.

— Qui donc put savoir comment votre frère périt ?

— Une autre femme que le hasard avait amenée là tout près, derrière un quartier de roche, et qui n’eut